Les Bourses de carbone, le marché climatique

Publié le lundi 24 juin 2013 à 14:10

Depuis l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto en février 2005, nombreuses ont été les mesures adoptées par les différents pays signataires afin de limiter et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment le dioxyde de carbone, le méthane et les hydrocarbures halogénés.

Depuis l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto en février 2005, nombreuses ont été les mesures adoptées par les différents pays signataires afin de limiter et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment le dioxyde de carbone, le méthane et les hydrocarbures halogénés. Parmi ces mesures de réduction des niveaux de pollution atmosphérique figurent principalement l'utilisation d'énergies renouvelables, le développement de solutions propres et l 'échange de quotas d'émissions selon le principe du système communautaire européen d'échange de quotas d'emissions (SCEQE). Seulement voilà : face au défi que représente la réduction conséquente des gaz à effet de serre et face aux enjeux financiers liés au développement d'énergies renouvelables et de solutions propres, le marché climatique, c'est-à-dire un marché du carbone grâce auquel les industries peuvent acheter ou vendre leurs « droits de polluer », est apparu comme l'une des solutions les plus efficaces et les plus évidentes afin de s'aligner sur les exigences du protocole de Kyoto et plus particulièrement sur celle des mécanismes flexibles (commerce de droits d'émissions, mise en œuvre conjointe, mécanisme de développement propre).

En décembre 2007, co-fondée par NYSE Euronext et la Caisse des Dépôts, BlueNext, première bourse mondiale de l'environnement, voit ainsi le jour en Europe, suivie de près par le Marché Climatique de Montréal (MCeX) au Canada. Lancée en 2003, la Chicago Climate Exchange (CCX) est quant à elle devenue le premier système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre sur participation volontaire. D'ailleurs, c'est sous l'égide de celle-ci que le MCeX est fondé en partenariat avec la Bourse de Montréal et que l'European Climate Exchange est lancé en 2005.

Le principe de la finance du carbone est relativement simple : les entreprises ayant réussi à ne pas dépasser les quotas d'émissions leur ayant été alloués peuvent céder leurs excédents d'émissions à des entreprises ayant quant à elles dépassé leurs quotas moyennant des coûts prédéfinis. Celles-ci doivent donc payer pour pouvoir acheter de nouveaux droits d'émissions : c'est le principe du pollueur-payeur. Seulement, malgré des fondements à priori logiques et peu complexes, les bourses du carbone disposent de mécanismes propres desquels découlent différents principes et différentes règles : contrats à terme pour le Marché Climatique de Montréal, système de plafonnement et d'échange pour la Chicago Climate Exchange, échanges de titres, négociations de quotas, etc.

Peu accessible et élitiste, le marché du carbone vient avec son lot de contraintes, les participants devant être de nationalités bien définies et devant pouvoir faire face aux frais imposés. De plus, en dépit de la volonté de réduire l'émission de gaz nocifs pour la planète, les droits qui s'échangent restent bel et bien des droits permettant de générer une quantité non négligeable de polluants atmosphériques. Bien qu'étant pour beaucoup une alternative idéale sous de nombreux aspects, le marché climatique est donc loin d'être aussi profitable qu'il n'y paraît, et ce tant pour les participants que pour la planète elle-même.

Des critères d'admission complexes

Bien que les bourses du carbone se veulent internationales et ouvertes à une grande majorité de participants afin de satisfaire aux exigences du protocole de Kyoto, force est de constater que les critères d'admission de ces diverses institutions ne permettent pas toujours aux états ou aux industries qui le souhaitent de se porter candidats. En effet, les contraintes géographiques et financières associées à l'entrée dans le marché du carbone sont telles qu'il est dans certains cas très difficile, voire impossible, d'avoir accès aux bourses citées plus haut. Ces critères sont le plus souvent énoncés de manière très subtile mais, en y regardant de plus près, on s'aperçoit qu'il existe de nombreux processus de filtrage qui font que de nombreuses entreprises professionnelles du marché d'émissions de gaz à effet de serre ou appartenant à des marchés connexes ne peuvent être admises. Que ce soit dans le cas de la Bluenext, de la Chicago Climate Exchange ou du Marché Climatique de Montréal, les dossiers doivent tous être approuvés par un comité interne à l'issue d'un long processus. Certes, les procédures se veulent strictes pour s'assurer que seuls les états et les industries les plus éligibles deviennent membres néanmoins, derrière cette raison à priori évidente se cache en fait une toute autre réalité.

En ce qui concerne le MCeX, même s'il est mis en avant que les participants agréés peuvent être étrangers, il s'avère en réalité que seules les sociétés ou corporations américaines, britanniques ou françaises peuvent se porter candidates, à condition d'avoir un mandataire désigné résidant au Québec, d'être inscrites auprès d'une autorité en valeurs mobilières, en instruments dérivés ou d'un organisme d'auto-réglementation reconnu et d'avoir conclu une entente de compensation avec un membre de la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés (cf « Devenir un participant agréé », Bourse de Montréal).

En ce qui concerne Bluenext et la Chicago Climate Exchange, les critères géographiques sont plus larges, notamment si l'on considère que la participation est entièrement volontaire pour la CCX. Toutefois, en dépit de ce large spectre d'admission, il existe toujours un obstacle majeur dans la mesure où les frais d'admission et les commissions annuelles sont relativement élevés. L'admission à la CCX passe obligatoirement par un processus de vérification et de validation par une entreprise de certification, ce qui implique forcément un investissement supplémentaire.

En conclusion, il apparaît donc que seules les entreprises les plus puissantes peuvent aspirer à négocier des crédits-carbone sur un marché fort élitiste.

Vers une réduction des émissions polluantes ?

Si le commerce d'émissions a vu le jour lors de l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto, c'est principalement afin de réduire drastiquement les émissions mondiales de gaz à effet de serre qui, nous le savons, sont à l'origine du réchauffement climatique et de nombreuses autres perturbations. Or, pour réduire ces émissions, il faudrait en théorie que les niveaux de pollution atmosphérique puissent diminuer de manière conséquente et par extension que les industries puissent polluer beaucoup moins. Néanmoins et même si les bourses du carbone semblent en apparence participer à cet effort, force est de constater que le marché climatique est loin d'encourager les industries à réduire leur taux d'émissions. En effet, les enjeux sont principalement financiers, le principe du marché du carbone reposant sur la négociation et l'échange de quotas d'émissions, en d'autres termes sur l'achat et la vente de droits de pollution. Chaque quota carbone correspond à une tonne métrique d'équivalent de dioxyde de carbone et peut se négocier et s'échanger sur un marché international. En fonction de critères climatiques, des seuils d'émission sont attribués aux entreprises et, bien que celles-ci ne devraient théoriquement pas dépasser ces seuils pour ne pas polluer davantage, elles peuvent néanmoins aller au-delà des quotas fixés à condition toutefois d'acheter les quotas d'entreprises n'ayant pas dépassé la limite imposée.

En conséquence, les pollueurs continuent donc à polluer et peuvent continuer de le faire tant qu'ils peuvent faire face aux cours négociés. En contrepartie, les industries étant restées en dessous du seuil autorisé sont récompensées puisqu'elles vendent leur excédent, réalisant ainsi des bénéfices supplémentaires.

Premier déçu le Canada.

Face à des exigences de réduction de plus en plus difficiles à respecter et face à des cours de plus en plus bas, le Canada, l'un des trois états clés de la finance du carbone vient de signifier son retrait du protocole de Kyoto alors que la CCX devrait quant à elle mettre un terme à ses activités en 2012, année durant laquelle la Western Climate Initiative doit en principe lancer son marché climatique.

Des alternatives en attendant ?

A la lumière de ces éléments, il en ressort donc que la finance du carbone est avant tout un marché lucratif profitant essentiellement à un certain type d'entreprises, à savoir les entreprises puissantes des plus importants pays industrialisés. Or, ces entreprises comptent justement parmi celles qui polluent le plus la planète et, avec l'achat de droits supplémentaires les autorisant à dépasser les seuils tolérés, les chances de diminution drastique des niveaux de pollution atmosphérique semblent bien minces. Pour lutter contre les effets désastreux des gaz à effet de serre, il existe toutefois une alternative beaucoup plus écologique qui, au-delà du simple principe de compensation et de considérations purement financières, permet de respecter réellement la planète tout en tenant compte des différents enjeux qui en découlent.

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